Contexte
La station de recherche éponyme Bahia Exploradores (Baie des explorateurs) qui est au centre de cet Observatoire Hommes‐Milieux est située dans la région d'Aysén en Patagonie chilienne.
Elle a été créée en 2009 à partir d’une initiative scientifique lancée par l’Université Catholique Pontificale du Chili (Santiago) à qui le Ministère des Biens Nationaux (équivalent chilien du Ministère de l’Environnement) a délivré une concession d’étude quinquennale reconductible et réactualisée en décembre 2014 (Résolution n°800/18-11-2009 et n° 785/11.12.2014) en présence d’un représentant du Labex DRIIHM. Cette concession forestière et maritime d’une superficie de plus de 5.079 hectares—dans un contexte de faible anthropisation—est désormais placée sous la direction de l'Institut de Géographie qui est responsable de la coordination scientifique et du soutien opérationnel et logistique, en collaboration avec les Facultés des sciences biologiques, d’Architecture et d’études urbaines, d’Agronomie et de Génie forestier de l’UC.
La station de recherche interdisciplinaire Bahia Exploradores est intégrée dans le réseau chilien de sites et de stations de recherche répartis sur l’ensemble du territoire national (stations de recherche en milieu désertique Alto Patache dans l’Atacama et station de recherche marine Las Cruces dans la région de Valparaiso) dont les principaux objectifs visent à développer des recherches sur le changement global tout en favorisant l’interdisciplinarité, l’aide à la décision à matière de conservation et l'éducation à l’environnement et au développement durable.
Un site clé pour l’étude du changement global et l’impact de l’anthropisation
A environ 300 km au sud de la ville de Coyhaique, la station Bahia Exploradores est située à l’embouchure du fleuve Exploradores et des fjords du Pacifique à l’écart de toute implantation urbaine : le premier village de Puerto Rio Tranquilo est installé sur les rives du lac General Carrera, 80 km à l'est.
La zone, montagnarde et principalement recouverte de forêts patagones à Notofagus supposées vierges et de lacs, est localisée en zone périglaciaire et soumise aux doubles influences du Campo Hielo Norte (deuxième glacier continental de l’hémisphère sud) et du Pacifique sud. L’ensemble de ces caractéristiques font de ce secteur un territoire d’exception, tant au niveau environnemental, qu’au niveau des menaces qui le concernent en raison du changement climatique actuel. C’est à ce titre que l’ensemble de la zone est l’objet de mesures de protections marquées par la présence de plusieurs parcs nationaux (Parc de la Laguna San Rafael, Réserve de Biosphère).
En raison de son isolement et du faible niveau d’interventions anthropiques liés à son inaccessibilité, le secteur de Bahia Exploradores offre des conditions privilégiées pour l’étude de l’impact du changement climatique (recul des glaciers, érosion, dynamiques fluvio-glaciaires) et de la biodiversité, mais ce terrain offre également une opportunité intéressante pour observer les impacts et les transformations générées par un processus d’anthropisation en cours : celui du développement d’une économie touristique et productive associée au développement de voies d’accès terrestres et maritimes dont les impacts sur un écosystème jusqu’alors préservé seront croissant. Replacées dans le cadre théorique des OHM, l’apparition et le déploiement rapide de ces nouvelles formes d’anthropisation peuvent être qualifiés d’événements fondateurs.
L’OHMi Patagonia-Bahia Exploradores comme exemple du suivi d’un front de colonisation
La zone, restée à l’écart du front de colonisation agraire (élevage mixte extensif) des années 50-60 qui a entraîné une déforestation massive par abattis brûlis des secteurs proches du lac Carrera, n’avait pas non plus été concernée jusqu’à il y a peu par le développement des circulations touristiques organisées par de nombreux tour-operator en direction de la Laguna San Rafael (hot-spot du tourisme international en Patagonie Chilienne). Cette situation en marge a permis la préservation d’un écosystème unique dont le principal facteur de forçage reposait sur l’influence des conditions climatiques.
Depuis 2009, une nouvelle voie d’accès qui était recherchée et souhaitée depuis la fin des années 40 pour offrir un débouché sur le Pacifique a été ouverte. Passant par la vallée Exploradores, la route offre désormais un accès rapide à la Laguna San Rafael mais surtout en direction du Golfo Elefante qui, de son coté, a vu se développer une aquaculture intensive tournée vers l’élevage du saumon. Si l’ouverture de cet accès routier représente un facteur facilitant le développement économique des secteurs aquacole et touristique (en particulier au niveau de Puerto Rio Tranquillo qui enregistre actuellement une multiplication des officines de tour-operator). Les impacts socio-écologiques de ce désenclavement sur la vallée et la baie Exploradores seront importants dans les années à venir en contribuant notamment à re‐dynamiser le front de colonisation agro-pastoral ainsi que l’exploitation sylvicole qui avaient été jusqu’alors bloqués par son inaccessibilité, mais aussi en offrant un débouché maritime et stratégique aux projets d’exploitations industrielles situés en périphérie (projet l’exploitation minière). Les piles d’un pont enjambant le Rio Exploradores, dernier obstacle à l’accès direct à l’océan, sont posés et attendent la relance des travaux.
Aussi, la zone de Bahia se positionne-t-elle comme un terrain d’étude remarquable et original permettant d’analyser à la fois les processus, mais aussi les impacts environnementaux et socio- écologiques d’une colonisation rapide et multiforme sur un territoire à l'équilibre fragile affecté par le réchauffement climatique.
Fiche de présentation de l'OHMi Patagonia-Bahia Exploradores